Un mot pour le Carême 2025

12 mars 2025|Norbert Piché

Depuis le 20 janvier, la présente administration américaine a pris de nombreuses mesures qui ont bouleversé de nombreuses vies aux États-Unis même, mais aussi d’innombrables autres à l’étranger, y compris au Canada. Il y a la décimation de la fonction publique américaine, la suspension de l’aide étrangère essentielle, les tarifs douaniers punitifs imposés à d’autres pays comme le Canada, la menace d’expulser les personnes sans-papiers, l’empêchement des personnes de demander l’asile, et bien d’autres choses encore.  

En tant que directeur national du Service jésuite des réfugiés – Canada, je suis particulièrement attentif à la situation des personnes déplacées qui fuient leur maison, et souvent leur pays, dans l’espoir de trouver un endroit sûr pour élever leurs enfants. Avec pas moins de 11 millions de personnes sans-papiers aux États-Unis menacées d’expulsion par l’administration américaine, nous devons, en tant que chrétiens vivant au Canada, réfléchir profondément à la position que nous devrions adopter dans une telle situation.  

Il est clair, plus que jamais, que les États-Unis ne sont pas un endroit sûr pour les demandeurs d’asile. Mais notre gouvernement canadien continue de soutenir que les États-Unis sont un endroit sûr pour eux. Il continuera donc à refuser l’entrée à toute personne (à quelques exceptions près) qui tente de fuir les États-Unis parce qu’elles craignent de manière crédible d’être expulsées vers leurs pays d’origine et d’y être exposées à la mort, à la torture, à la persécution ou, à tout le moins, à un avenir incertain.  

Si le gouvernement canadien se retirait de l’accord sur les tiers pays sûrs, déclarant ainsi que les États-Unis ne sont pas un pays sûr pour les demandeurs d’asile, combien de personnes, parmi les 11 millions de personnes sans-papiers, se rendraient au Canada ? Personne ne le sait avec certitude. Peut-être que ce n’est pas la question que nous devrions nous poser en premier lieu en tant que chrétiens.  

En tant que chrétien, je suis appelé à accueillir l’étranger. Cela signifie-t-il que j’accueille 20 personnes chez moi ? Probablement pas, mais je pourrais certainement en accueillir quelques-unes. 

Souvenez-vous du 11 septembre et de ce qu’ont fait les habitants de Gander, à Terre-Neuve.  Ils ont accueilli près de 7 000 personnes dont les avions avaient été détournés de l’espace aérien américain pendant six jours.  Pendant ces six jours, toutes ces personnes ont été hébergées et nourries.  Ce n’est pas une mince affaire pour une petite communauté de 12 000 habitants.  Je vous invite à lire cet article qui montre le degré de préparation des habitants de Gander.

Je mets au défi nos gouvernements, : fédéral et provincial, d’investir dans la préparation aux situations d’urgence au lieu d’investir des millions de dollars dans la sécurité des frontières, afin d’être mieux préparés à accueillir les personnes qui fuient l’insécurité de l’actuelle administration américaine.  Si nous avons pu accueillir 50 000 Syriens en 2016-2017, si nous avons pu accueillir 250 000 Ukrainiens de 2022 à mars 2024 (et d’autres sont venus depuis), si Gander, une communauté de 12 000 habitants, a pu accueillir 7 000 personnes, il est certain que l’ensemble du pays de 40 millions d’habitants pourrait accueillir au moins 400 000 personnes au cours des quatre prochaines années.  

Certains diront que l’accueil de 100 000 personnes en un an serait un fardeau sur nos ressources et que nous n’avons pas assez de logements à l’heure actuelle. Quelle est l’alternative ? Que ces personnes soient renvoyées dans des situations désastreuses. En tant que chrétien, surtout en cette période de carême, je suis appelé à tendre une main secourable à l’étranger dans le besoin. Je suis appelé à partager ce que j’ai avec ceux qui ont très peu. Je suis appelé à faire preuve de compassion comme le bon samaritain.  

En tant que Canadiens, je crois que si nous y mettons notre esprit et notre cœur, nous pourrons montrer au monde, mais surtout à nous-mêmes, ce qui nous différencie de l’actuelle administration américaine, et c’est, mes amis, l’amour de son prochain !  

Norbert Piché,

Directeur national pour le SJR Canada