Un mot de la frontière mexico-américaine

26 février 2025|Norbert Piché

Ville de Metamoros où les gens vivent dans les tentes depuis des mois - Norbert Piché

Du 10 au 14 février, je suis allé à la frontière mexico-américaine près de Brownsville, au Texas, dans le cadre de réunions du réseau jésuite pour la migration du Canada et des États-Unis. Nous avons appris au sujet des murs qui sont érigés pour empêcher les personnes qui fuient la persécution et la misère de chercher refuge. Nous avons aussi appris au sujet des nombreux bons samaritains qui continuent d’accueillir leurs prochains persécutés dans un contexte où on diabolise les migrants et ceux qui les aident. Dans ce contexte de plus en plus hostile, nous nous sommes engagés, en tant que réseau, à nous concerter davantage pour sensibiliser les gens à ce qui se passe vraiment dans la vie des migrants qui tentent de refaire leurs vies et de persévérer dans notre défense des droits.

Un des décrets de la nouvelle administration américaine a annulé tous les rendez-vous des personnes qui voulaient faire une demande d’asile à la frontière américaine. Ces personnes attendaient depuis des mois dans des abris où elles vivent dans des tentes. Un Vénézuélien, qui était là avec sa famille, a témoigné de comment il s’est fait persécuté par un cartel qui exigeait de grandes sommes d’argent. De plus, puisqu’il était infirmier, on voulait l’obliger d’être au service du cartel en soignant leurs blessés. C’est alors que lui et sa femme ont décidé de fuir avec leurs enfants pour essayer de trouver refuge aux États-Unis.  Ils avaient un rendez-vous pour le 9 février à la frontière américaine avec un agent du service frontalier. Mais à cause du décret de la nouvelle administration américaine, le rendez-vous a été annulé. Maintenant, ils ne savent plus quoi faire. S’ils rentrent chez eux, c’est la persécution qui recommence. Et ils ne peuvent pas continuer à vivre à perpétuité sans statut au Mexique.

C’est une histoire parmi tant d’autres qui montre le drame humain qui se déroule à cause de politiques qui tournent le dos aux personnes qui ont besoin de refuge. Nous sommes bien loin du poème d’Emma Lazarus inscrit sur la statue de la Liberté : « …Donnez-moi vos fatigués, vos pauvres, vos masses recroquevillées qui aspirent à respirer librement… »

Mais, les bons samaritains sont aussi sur place, à la frontière.

J’ai assisté à une messe présidée par un jésuite qui s’est mis à danser avec les enfants migrants. Le lendemain, pour célébrer la Saint-Valentin, des religieuses ont organisé des jeux pour les enfants qui s’est terminé avec un gâteau. Il y avait de nombreux sourires. J’ai aussi écouté le témoignage la sœur Norma qui parlait de l’importance de toujours respecter l’humanité de son prochain, même quand le prochain est un agent du service frontalier. Elle nous a raconté l’histoire d’une petite fille migrante qui était inconsolable parce qu’un agent du service frontalier lui avait enlevé son chien. La sœur a alors contacté le chef des agents.  Ce dernier est arrivé le lendemain avec le chien. La sœur nous a rappelé que ces agents sont aussi des humains avec des familles.

Un jésuite m’a sagement dit que parfois, il n’y a qu’une chose à faire devant un mur : il faut tout simplement danser.

Norbert Piché, Directeur national

pour le SJR Canada