Dénoncer l’injustice à la manière de Jésus
14 septembre 2025|Norbert Piché

« Ils lient des pesants fardeaux et les imposent aux épaules des gens, mais eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt. » Matthieu 23, verset 4.
Ce verset de l’Évangile de Matthieu fait partie d’une critique foudroyante que Jésus lance aux scribes et Pharisiens, les dirigeants de la société juive de l’époque. Que pouvons-nous dire de nos dirigeants d’aujourd’hui? Vous pouvez en juger vous-mêmes.
Le gouvernement de Mark Carney a décidé d’introduire le projet de loi C-2, intitulé « Renforcement de la sécurité des frontières », le 3 juin 2025. Il utilise ce titre pour nous faire sentir que nous serons plus en sécurité si ce projet de loi passe. Mais si nous creusons dans les détails, nous découvrons que les plus démunis, les demandeurs d’asile, souffriront les pires conséquences. Et même tous les citoyens verront leurs droits et libertés diminués.
Imaginez une journaliste du Mexique qui est venue à Montréal en mai 2023 pour un congrès sur les problèmes du journalisme dans une ère dominée par les géants du web (Google, Facebook, etc.). Elle retourne au Mexique peu après. Mais deux ans plus tard, elle se voit contrainte à fuir le Mexique et à demander l’asile au Canada parce qu’elle est persécutée pour son travail de journalisme qui montre la collusion entre les narco–trafiquants et des dirigeants haut-placés dans le gouvernement. Cette journaliste ne serait plus admissible à faire une demande d’asile si ce projet de loi C-2 est accepté. Elle serait inadmissible parce que le projet de loi C-2 interdirait à une personne de faire une demande d’asile plus d’un an après sa 1ʳᵉ arrivée au Canada.
Elle ne pourrait donc pas déposer sa demande à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) où, normalement, : 1. elle aurait droit à une audience devant un commissaire indépendant ; 2. elle pourrait expliquer davantage les circonstances de sa persécution quand des questions seraient posées ; 3. elle aurait droit à faire appel de la décision si celle-ci est négative.
La seule chose qu’elle pourrait faire serait de subir un examen des risques avant renvoi (ERAR). L’ERAR est une procédure beaucoup moins rigoureuse que d’aller à la CISR car il y a seulement la possibilité de déposer une soumission écrite à un agent d’immigration qui n’est pas indépendant et il n’y a aucune possibilité d’appel, seulement une possibilité mince de contrôle judiciaire à la Cour fédérale.
Selon l’Organisation des Nations unies (ONU), il ne devrait y avoir aucune limite de temps pour demander l’asile. D’imposer une limite de temps ne tient pas compte des changements de circonstances qui peuvent avoir lieu, comme dans le cas de la journaliste du Mexique. Un autre exemple serait celui d’un étudiant camerounais qui serait venu étudier à l’université de Toronto avec un visa d’étudiant. Après 18 mois d’études, il y a un coup d’état au Cameroun. Sa famille a vivement critiqué le coup d’État. Il ne peut donc pas retourner au Cameroun. Lui non plus ne serait pas admissible à faire une demande d’asile.
Ce que je viens d’expliciter est seulement un des nombreux éléments injustes que ce projet de loi contient. Soyons clair ! C-2, sous prétexte de renforcer nos frontières, vient piétiner les plus faibles de la société en leur enlevant des droits. Et quand les plus vulnérables perdent leurs droits, ça ouvre la porte à ce que d’autres personnes perdent leurs droits. Nous avons été témoins de la dureté et même de la cruauté de la part de l’administration Trump envers les demandeurs d’asile arrivant aux États-Unis. Le projet de la loi C-2 nous emmènerait vers des pratiques honteuses semblables s’il est accepté.
Faites part de vos préoccupations à votre député en lui écrivant ici. À la manière de Jésus, il faut dénoncer clairement et fortement toute forme d’injustice et de manque de compassion envers les plus démunis de la société perpétrée par nos dirigeants.
Norbert Piché,
Directeur du Service jésuite des réfugiés Canada