Le chemin Roxham: une brèche pour sauver des vies
14 mars 2023|SJR, Canada
Durant cette période de carême, je vous invite à réfléchir à ce que signifie tendre la main aux demandeurs d’asile.
La Bible nous raconte l’histoire d’un homme qui fut battu par des voleurs en chemin et laissé pour mort sur le bord de la route. Beaucoup de gens sont passés à côté de lui, mais personne n’a osé lui venir en aide, à l’exception d’un homme, un Samaritain. Ce Samaritain lui a donné les premiers soins, l’a porté jusqu’à une auberge et a payé les soins, le gîte et le couvert pour que le blessé puisse recouvrer la santé. Ce Samaritain est venu en aide à un étranger par compassion. Pour nous, accompagner un demandeur d’asile a la même signification que cette parabole. Nous prenons conscience de l’humanité commune qui nous habite tous.
La question des réfugiés ou des demandeurs d’asile fait à nouveau la une des journaux. Cela s’explique principalement par l’augmentation significative du nombre de personnes demandant le statut de réfugié au poste-frontalier irrégulier de Roxham Road, situé à la frontière de l’État de New York et de la province de Québec. La raison pour laquelle les demandeurs d’asile traversent la frontière de manière irrégulière est l’entente sur les tiers pays sûrs (ETPS) conclue entre le Canada et les États-Unis. Cet accord stipule essentiellement qu’une personne demandant le statut de réfugié doit le faire dans le premier pays d’arrivée. Toutefois, l’accord ne s’applique qu’aux passages officiels de la frontière. Une personne qui est donc arrivée en premier lieu aux États-Unis et qui souhaite ensuite se rendre au Canada doit entrer au Canada par un poste frontalier irrégulier. Cela lui permettra de déposer une demande d’asile au Canada.
Dans les mois à venir, la Cour suprême du Canada se prononcera sur le sort du ETPS. L’ETPS repose sur le principe que le Canada et les États-Unis sont tous deux des pays sûrs pour les personnes demandant le statut de réfugié. Cependant, certaines personnes et organisations ont soutenu que les États-Unis ne sont pas sûrs pour certains demandeurs d’asile et que l’ETPS doit être aboli pour cette raison. L’abolition du ETPS permettrait aux demandeurs d’asile d’arriver à un point d’entrée officiel à la frontière pour demander le statut de réfugié.
Certains politiciens ont également demandé la fermeture de Roxham Road et l’extension de l’ETPS à l’ensemble de la frontière et pas seulement aux points de passage officiels. Cela nécessiterait que les autorités frontalières surveillent l’ensemble de la frontière. C’est impossible. Toute personne ayant participé à la patrouille frontalière entre le Canada et les États-Unis le confirmerait.
D’autres ont dit que nous devons limiter les passages irréguliers, car nous n’avons pas les ressources nécessaires pour accueillir tous ceux qui cherchent une protection.
L’abondance ou le manque de ressources se résume toujours à la question de notre volonté, en tant que société, de nous occuper de ceux qui sont dans le besoin.
Le Canada dispose d’une abondance de ressources qu’il n’exploite tout simplement pas. Si nos gouvernements faisaient preuve d’une réelle volonté, nous pourrions freiner et mettre un terme à l’évasion fiscale des membres les plus riches de notre société. Cette seule mesure contribuerait grandement à aider les personnes dans le besoin. En nous disputant sur des questions de légalité et de ressources, nous ne voyons pas l’humanité dans la vie de ces demandeurs d’asile. Une humanité qui, au fond, est une humanité que nous partageons tous. Nous l’oublions simplement parce que nous vivons dans ce riche pays qu’est le Canada. Nous ne savons pas ce que c’est que de vivre sous la coupe d’un gang en Haïti ; nous ne savons pas ce que c’est que de vivre au Nigéria où être homosexuel est passible de 14 ans de prison ; nous ne savons pas ce que c’est que d’être une femme en Arabie saoudite qui ne peut être vue en public sans un tuteur masculin ; nous ne connaissons pas la peur constante qu’éprouve un enfant ukrainien lorsqu’il y a des raids nocturnes dans sa communauté ; nous ne savons même pas ce que c’est que d’être un autochtone dont la communauté fait l’objet d’un avis d’ébullition d’eau.
Ce n’est que lorsque nous rencontrerons ces personnes et que nous nous mettrons à leur place que nous commencerons à comprendre, à saisir véritablement dans nos tripes, les terribles expériences qui les ont forcés à fuir leur maison et leur pays. En tant que personnes vivant dans un pays riche, nous avons le choix : nous pouvons choisir de construire des murs pour essayer d’empêcher les gens de venir au Canada, de garder notre richesse pour nous et de laisser les autres souffrir, et dans certains cas, périr ; ou nous pouvons choisir de construire des ponts, d’accueillir ceux qui ont fui des situations intolérables et de partager ce que nous avons et qui fera de nous de meilleures personnes. Le choix nous appartient. Faisons ce choix à la lumière de la parabole du bon Samaritain et de notre humanité commune.
Norbert Piché, directeur du SJR Canada