Une Vietnamienne fuit le régime communiste totalitaire de son pays

21 février 2025|Joanna Kozakiewicz

Minh Lê et une amie au camp des réfugiés Galang, Noël 1979. Elles chantaient ensemble à la chorale du camp. Une église catholique y était présente.

Minh Lê, sa mère et ses deux sœurs sont arrivées au Canada en mars 1980, en tant que réfugiées du Vietnam. Elles ont fui le régime communiste totalitaire vietnamien par bateau lors de la deuxième vague d’émigration.

« En résumé, mes parents ont fui le communisme du nord au sud en 1954. Le Vietnam avait été divisé en deux. Mes grands-parents des deux côtes avaient amené mes parents se réfugier du nord au sud. Puis, les communistes se sont emparés du sud [en 1975]. Donc, mes parents m’ont amenée à la mer », a déclaré Lê en entrevue avec le Service Jésuite des Réfugiés au Canada.

Les quatre femmes font partie des « boat people », un terme qui désigne trois vagues d’émigration successives de la péninsule indochinoise entre 1975 et 1990.

Lors de la première vague, en 1975, près de 4000 Vietnamiens sont arrivés à Montréal.

Minh et sa famille font partie de la deuxième vague. Elles ont été parrainées en 1980 par les membres du club Richelieu de Boucherville. Il s’agissait d’un groupe d’environ 25 membres.

« En 1979, les évêques du Québec ont lancé un appel au parrainage de réfugiés du Vietnam. Leur odyssée avait été largement médiatisée. Je faisais partie du Club Richelieu de Boucherville, un club social à vocation philanthropique. Nous avons décidé de “faire notre part”», dit Jules Allard, un des membres du club Richelieu, en entrevue avec le SJR Canada.

Photo d'article de journal dans l’hebdomadaire La Seigneurie, 
édition du 19 mars 1980, page 7.

Cette année-là, le gouvernement du Canada avait aussi décidé d’accueillir davantage de ressortissants vietnamiens en mettant sur pied un programme de parrainage. Entre 1979 et 1981, le Québec a reçu 13 000 personnes migrantes.

Avant d’arriver au Canada, la famille de Minh avait essayé plusieurs fois de fuir leur pays, mais c’étaient des efforts sans succès qui ont eu de graves conséquences.

« On a essayé une fois en juillet 1977, et c’était un piège. On est allé en prison, toute la famille », dit Lê.

La famille de Minh a passé à travers de nombreuses épreuves avant d’arriver au Canada. Entre autres, elle a été sans domicile pendant une période de deux ans, puis elle a perdu toutes ses épargnes et a dû emprunter de l’argent à un cousin.

« La vie n’était plus une vie sous le régime », dit Lê.

La famille s’est même déguisée en personnes de nationalité chinoise quand le Vietnam voulait expulser tous les Chinois du pays. Avec de faux papiers chinois et une identité chinoise, la mère et les trois sœurs ont essayé de fuir à nouveau. Cette fois-ci, leur fuite a été un succès.

«Finalement, on a pu partir en juin 1979. Sept jours, sept nuits, juste l’eau, le ciel et les poissons qui sautaient », dit Lê.

Elles se sont déplacées en Indonésie dans des conditions de voyage difficiles. Les réfugiés sur le bateau n’ont pas pu manger ou boire pendant plusieurs jours d’affilée et il n’y avait pas beaucoup de place entre les passagers.

« On était sur un petit bateau, avec 400 personnes et même pas un mètre carré par quatre personnes », dit Lê.

La famille de quatre a été remorquée jusqu’à la pointe sud de l’Indonésie pendant la nuit et débarquée sur une petite île où elle a entamé un périple de neuf mois dans les camps de réfugiés. Enfin, en décembre 1979, la famille est arrivée au camp de transit de Galang où l’aide des Nations Unies était officielle.

Quelques photos au camp de réfugiés Galang, un camp de transit, en Indonésie. 
En haut à droite, Minh est avec le Père Gildo Dominici, SJ, « son protecteur 
contre la corruption et l'injustice dans les différents camps de réfugiés».

Malheureusement, comme c’est souvent le cas dans de telles circonstances, la famille de Minh a été divisée à plusieurs reprises. D’abord, le père de Minh a été placé en prison au Vietnam, puis il a été envoyé dans un camp de concentration où il est resté durant deux ans.

« Il est resté seul, sans toit, au Vietnam, après notre départ clandestin », dit Lê.

Puis, lorsque le moment est venu de quitter le camp Galang, sa famille de quatre a été divisée à nouveau. Une des sœurs de Minh avait un problème avec son dossier médical et a été retenue avec sa mère au camp. Minh a continué son voyage avec sa deuxième sœur à bord d’un paquebot en direction de Singapour. Après avoir passé une nuit à Singapour, elles ont pris un vol direct d’Air Canada pour Edmonton.

« C’était un vol spécial rien que pour transporter les «boat people» vietnamiens qui venaient majoritairement des camps de Hong Kong », dit Lê.

De l’aéroport à Edmonton, elles ont été transportées en bus vers la base militaire CFB Griesbach.

Tous les nouveaux arrivants ont reçu des vêtements d’hiver de base neufs. Après 2 semaines, bien logée et nourrie, la famille est réunie avant de partir pour Montréal. Elles étaient prêtes à commencer une toute nouvelle vie. Elles ont quitté Edmonton et sont arrivées à Montréal le 10 mars 1980. Entre-temps, Minh a également eu la chance de retrouver son frère, arrivé à Montréal depuis le camp de réfugiés de Pulau Bidong, en Malaisie.

Le voyage était presque fini, Minh et sa famille ont été transportées à Boucherville pour être temporairement logées dans un petit hôtel pour une semaine. Durant ce temps, un logement était en train d’être préparé dans le cœur du Plateau Mont-Royal par leurs parrains, les membres du Club Richelieu de Boucherville.

« Les premiers pas d'une nouvelle vie normale à Montréal », dit Minh en partageant ces photos. 
En haut à gauche, Minh nous partage la célébration du premier Nouvel An vietnamien à Montréal 
(février 1981) avec la communauté libre vietnamienne de Montréal. En bas à gauche, le début de 
la paroisse vietnamienne de Montréal (1983).

Aujourd’hui, Minh mène une vie tranquille au Canada avec sa mère depuis plus de 45 ans. Elle a vécu toute sa vie professionnelle et est très reconnaissante pour tout ce qu’elle a accompli au Canada. Minh s’implique auprès du Service jésuite des réfugiés en tant que bénévole par sa volonté de redonner ce qu’elle a reçu gratuitement.

Elle a aussi parrainé son père peu après son arrivée et il est arrivé cinq ans après par voie officielle. Puis, il est décédé en 2017 à Montréal.

Minh maintient une relation d’amitié avec la famille Allard et les considère comme des parents adoptifs.

« Par amitié, on a continué avec eux. On a développé un contact et on a été invités à son mariage [celui de Minh]. Elles nous ont invitées à la maison. Elles ont été très généreuses et très reconnaissantes », dit Claire De Grandpré, épouse de Jules Allard. « Ça nous a apporté beaucoup, une ouverture sur le monde, la guerre, leur pays et de connaitre la réaction des gens affectés.»