Entrevue avec nos donatrices en vedette: les Religieuses de Jésus-Marie
05 février 2025|Joanna Kozakiewicz
Les communautés religieuses sont largement responsables de ce que nous pouvons offrir aux réfugiés, aux migrants et aux personnes déplacées de force. Sans le soutien de nos donateurs et donatrices, le Service Jésuite des Réfugiés ne pourrait pas s’impliquer comme il le fait.
Que ce soit par le biais de notre exercice de simulation, Voyage en Exil, qui sensibilise aux problèmes rencontrés par les réfugiés, le parrainage ou par le partage des histoires de réfugiés sur nos plateformes, le SJR ne pourrait pas fonctionner sans l’implication des communautés religieuses, dont la Congrégation des Religieuses de Jésus Marie.
Elles ont été fondées en 1818 à Lyon, en France, pour aider les orphelins victimes de la Révolution française. Elles se sont ensuite installées au Canada en 1855 dans divers missions et lieux.
En 2023, elles ont répondu à l’invitation de notre directeur national, Norbert Piché, pour s’impliquer dans notre mission auprès des réfugiés.
La supérieure provinciale de la communauté, Sœur Françoise Barras, et leur responsable du parrainage, Delphine Umubyeyi, ont accepté de répondre à nos questions.
Pourquoi les Religieuses de Jésus-Marie sont-elles impliquées dans la cause des réfugiés, des migrants et des personnes déplacées de force ?
Sœur Françoise Barras: Nous sommes impliquées parce que nous y avons été originellement invitées et nous avons répondu. Cela fait de nombreuses années, et au cours des ans, nous avons développé un grand intérêt et un amour pour les réfugiés que nous connaissons maintenant avec leurs noms, leurs histoires et leurs liens avec nous.
De plus, c’est une cause qui nous tient à cœur pas seulement au Canada, mais dans d’autres pays, car notre congrégation est présente dans 29 pays. Plusieurs de nos sœurs s’occupent des réfugiés « à la source », par exemple au Maroc et en Californie à la frontière avec le Mexique, ou « en transit », à Rome par exemple.
Comment les Religieuses de Jésus Marie sont-elles impliquées dans cette cause?
Sr Françoise: Nous sommes impliquées de différentes manières depuis 1985. Pendant de nombreuses années, nous avons parrainé des dizaines de réfugiés, surtout Éthiopiens à Montréal et d’autres aussi à Québec.
Delphine Umubyeyi : Actuellement, au moment de l’approbation des dossiers de réfugiés, nous nous réunissons en conseil d’administration avec toutes les sœurs membres pour approuver les réfugiés que nous parrainerons. Ensuite, nous désignons une responsable qui sera la porte-parole du dossier de parrainage, comme l’exige le ministère de l’Immigration; cette fonction est assumée par une laïque bénévole depuis 2022, mais de 1985 à 2021, c’était assumé par des religieuses. La responsable collabore avec l’économe provinciale pour tous les documents nécessaires demandés par l’immigration. Il y a aussi d’autres bénévoles qui sont impliqués lorsque les dossiers doivent être envoyés au fédéral; ils aident à la validation des formulaires et à toutes les pièces justificatives des réfugiés. À l’arrivée des réfugiés, nous nous chargeons de l’accueil, de l’installation, de l’accompagnement et de l’intégration, toujours en collaboration avec les bénévoles et les parrains.
Sr Françoise: De plus, nous accueillons temporairement dans certaines de nos maisons des nouveaux arrivants qui se trouvent dans une situation précaire : des Ukrainiennes en recherche d’un logement, une Africaine sans recours, etc., surtout dans la région de Québec, mais aussi au Nouveau-Brunswick.
Cette photo a été prise lors de l’activité de remerciement par les parrainés de Jésus Marie, le 22 juillet 2023. De gauche à droite, Sr Sylvie Bourget, administratrice, Sr Céline Latulipe économe provinciale, Sr Rita Gilbert, retraitée mais personne ressource, Sr Françoise Barras supérieure provinciale, Delphine Umubyeyi, une parrainée de Jésus Marie maintenant responsable du parrainage de réfugiés.
Y a-t-il des sœurs de votre communauté qui sont plus impliquées à ce sujet? Si oui, lesquelles et que font-elles précisément?
Sr Françoise: Le parrainage Jésus-Marie continue à être une « œuvre » de la congrégation Jésus-Marie. Les décisions dépendent du conseil provincial qui est le conseil d’administration de la congrégation.
Les membres de ce conseil sont donc impliqués directement (S. Céline Latulippe, économe provinciale, S. Véronique Lacroix, S. Josée Therrien, S. Lourdes Varguez et moi-même, supérieure provinciale). Rita Gilbert, qui s’est occupée des dossiers du parrainage pendant de nombreuses années, reste une personne ressource.
Delphine : Le comité de bénévoles laïques et les parrains sont les acteurs directs de la mise en place de cette belle œuvre.
Sr Françoise: Ajoutons que, là où les communautés accueillent des nouveaux arrivants, les sœurs de ces communautés collaborent de différentes manières : cours de francisation, écoute attentive, démarches pour trouver un logement, etc. Nous ne pouvons pas donner leur nom, car c’est un service informel et souvent ponctuel, mais il importe de le mentionner.
Qu’est-ce qui vous touche le plus dans cette cause ?
Sr Françoise: Je sens que nous apportons une petite part pour répondre à cette réalité si immense. Ce qui me touche le plus, c’est l’amitié que nous tissons avec ces réfugiés et immigrants. Ils sont tellement chaleureux et ils ont un sens inné de la famille. Plusieurs nous disent : « Vous êtes ma famille. » Une autre chose qui me touche, c’est leur courage et leur résilience malgré les épreuves terribles qu’ils ont vécues. Lors d’une rencontre avec un grand nombre d’entre eux en juillet 2023, j’ai perçu leur besoin de raconter leur histoire. Cela, nous ne le faisons pas assez. Ils ont besoin de nous, mais nous avons beaucoup à apprendre d’eux.
Qu’enseigne l’Évangile sur les réfugiés, les personnes déplacées de force et les migrants ?
Sr Françoise: L’Évangile nous appelle à nous occuper des personnes dans le besoin.
Jésus s’occupe toujours des personnes qui ont le plus besoin de lui, les pauvres et les malades en particulier. S’il était ici aujourd’hui, je suis sûre qu’il aurait une préférence pour les personnes déplacées.
Jésus dit : «Ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait». Il ne parlait pas seulement des réfugiés, mais ils étaient certainement inclus.
L’Évangile nous invite aussi à apprécier l’apport des personnes «étrangères».
Dans la parabole du Bon Samaritain, c’est un étranger qui s’occupe de l’homme tombé aux mains de brigands. C’est cet étranger qui manifeste de la compassion alors que les autres ferment les yeux.
Un jour, Jésus dit aux Juifs en parlant d’un soldat romain : «Nulle part en Israël, je n’ai trouvé une telle foi!»
Quels changements souhaiteriez-vous voir au Canada pour les réfugiés, les personnes déplacées de force et les migrants ?
Delphine: Que le Canada encourage le Québec à gérer le programme de parrainage comme les autres provinces du Canada, à savoir impliquer les parrains dans le processus, comme cela se faisait jusqu’en 2021. Les parrains sont dans la société québécoise depuis des années; en les accompagnant dans leur intégration, ils favorisent leur autonomie rapide. Les réfugiés que nous parrainons trouvent généralement l’emploi en moyenne un mois après leur arrivée, et ce, grâce aux parrains, et sont toujours satisfaits de notre service.
Sr Françoise: À plus long terme, je souhaite que le gouvernement soit plus ouvert à l’accueil des «étrangers» quel que soit leur statut. En effet, en ce moment, ils limitent même l’entrée de travailleurs temporaires et d’étudiants dans les universités et les CEGEP et retournent chez eux des personnes qui sont ici depuis plusieurs années et bien intégrées.
Que diriez-vous à ceux qui s’opposent à cette cause ?
Sr Françoise: Mettez-vous à leur place. Écoutez leur histoire. Nous sommes un peuple «chanceux» au plan économique et en paix. Ne pouvons-nous pas partager?
Delphine : Je leur dirais d’approcher les réfugiés qui sont arrivés via le programme de parrainage et de discuter avec eux pour se rendre compte à quel point leur vie a changé positivement. Nous avons parmi eux ceux qui sont devenus des éducateurs, des infirmiers, des analystes, des comptables, des travailleurs autonomes, des préposés aux bénéficiaires, des agents de sécurité, des préposés au ménage et plein d’autres, et cela depuis 1985. Aucun d’entre eux n’a demandé l’aide sociale durant toute l’année sous notre responsabilité. En dehors de leur tranquillité de cœur et de la guérison progressive des blessures de la guerre, ils contribuent au développement du Québec au même niveau que tout autre bon citoyen. Alors pourquoi s’opposer ?
Comment encouragez vous votre entourage à soutenir les réfugiés, les migrants et les personnes déplacées de force?
Sr Françoise: Nous parlons d’eux à l’occasion. Nous les présentons à nos amis. Votre question me fait penser que nous ne le faisons pas assez.
Qu’est-ce qui vous motive à donner de l’argent ou à soutenir des missions comme la nôtre ?
Sr Françoise: Un peu tout ce que nous avons dit ci-dessus. Nous voulons partager, et les réfugiés et immigrants sont nos frères et sœurs.
Quel encouragement avez-vous pour nos donateurs (ou autres communautés religieuses) qui ne sont pas certain(e)s s’ils devraient nous soutenir ou pas cette année?
Sr Françoise: C’est vrai que la situation actuelle due aux restrictions gouvernementales peut nous faire douter. Cependant, je crois que la réponse est double. D’une part, l’aide aux réfugiés et immigrants ne se limite pas au parrainage, et la situation actuelle nous oblige à trouver des solutions créatives. D’autre part, nous ne pouvons pas perdre l’espérance que la situation s’améliorera.